" Selon les comptes de la ministre de l’Environnement et des Énergies renouvelables, l’Algérie a dépensé deux milliards de dollars depuis l’an 2000 pour la protection de l'environnement.
Est-ce peu ? Est-ce assez ? Est-ce trop ? Que signifient ces un peu plus de cent millions de dollars par an en termes de lutte contre la pollution et la dégradation de notre environnement ? Et si, en plus, on n’est pas précis sur les réalisations imputées à ce programme… Cette manière d’évaluer une politique par l’ampleur de la dépense qui lui est rattachée a souvent un côté enfumage.
Parce qu’en plus de lister les “réalisations” en question, il y a lieu d’en établir la pertinence par rapport au chapitre dépense.
Au demeurant, pour ce qui est de dépenser, la prodigalité de notre régime n’est plus à démontrer. Et ce n’est pas ce qui l’a rendu plus efficace, dans ce domaine comme dans d’autres. Il ne lui manquait que de faire de son inclination au gaspillage un argument de bonne gestion !
Si notre pouvoir avait quelque souci d’écologie et de durabilité, cela se serait vu à quelques détails institutionnels. À commencer par ceci : pourquoi c’est Messahel, ministre des Affaires étrangères, et non Zerouati, ministre de l’Environnement et des Énergies renouvelables, qui est allé nous représenter au “One Planet Summit” que Macron vient d’organiser, avec l’ONU et la Banque mondiale, à Paris ? Probablement parce qu’il en est, chez nous, de la question de l’environnement et de la sauvegarde de la planète comme de la question des droits de l’Homme : une variable qu’on manipule en fonction de la contrainte diplomatique. La fonction environnement ainsi conçue comme contrainte, et non comme objectif, oblige à l’institution d’un ministère de l’Environnement, mais un ministère alibi.
L’environnement et la durabilité ne sont que des dérivatifs d’une politique économique de prédation. Celle-ci est simplement dévastatrice : pour nous nourrir, nous soumettons notre pays à un pillage minéral. Nous dilapidons industriellement son sous-sol pour extraire pétrole, gaz et bientôt… gaz de schiste ; nous gaspillons ses réserves d’eau, et bientôt sa nappe albienne du Sud dont le siphonnage est programmé ; nous détruisons son potentiel alluvial en “réglementant” l’extraction du sable, au profit de la mafia, au lieu de l’interdire ; nous engloutissons de la terre arable dans des constructions d’usines et de cités, par paresse devant l’effort de viabilisation et d’aménagement du territoire…
Il faut donc ajouter au saccage minéral la destruction effrénée de la faune et de la flore : la couverture forestière diminue inexorablement du fait des incendies et des défrichages sauvages ; la faune sauvage, notamment celle du Sud, est livrée au braconnage des notables et au divertissement sacrificiel des émirs du Golfe ; la ressource halieutique est abandonnée au ratissage irresponsable de filets chinois conçus pour attraper jusqu’aux alevins.
Ce processus autodestructeur massif, auquel on peut ajouter les pollutions par les rejets chimiques, les fumées, l’usage inconsidéré du plastique… menace le potentiel naturel national. Et ce n’est pas l’effet de mode de la monétarisation de la défense de l’environnement qui pourra contenir le mouvement suicidaire. Mais une sincère volonté politique de sauvegarde de… l’essentiel.
M. H. "
Salay.